«
Les nouveaux penseurs de l’islam ».
Annexe 7
Fiche Farid
Esack
La personne.
D’origine indopakistanaise. Né en Afrique du Sud
en 1957, dernier d’une famille de 7 enfants que son
père abandonne aussitôt après sa
naissance. Pauvreté, misère, mais
solidarité de voisins chrétiens (« Le
fait que notre oppression soit rendue supportable par la
solidarité, l’humanité et le rire de
nos voisins chrétiens me rendit suspicieux à
propos de toutes les idées religieuses qui
prétendaient détenir le monopole du salut, et
m’imprégna du sentiment profond de la valeur du
« religieusement autre » ». Bourse
d’études au Pakistan, où il passe 8 ans
et obtient des diplômes d’études
supérieures en droit et théologie islamiques et
en études coraniques. Fréquente des
chrétiens et découvre la «
théologie de la libération ». Retour en
Afrique du Sud, où il s’engage dans la lutte
contre l’apartheid et fonde un mouvement musulman
progressiste « L’appel de l’islam
».
Nouveaux séjours d’études à
l’étranger (Angleterre, Allemagne), de 2 ou 3 ans,
puis retour en Afrique du Sud. Philosophe, chercheur,
écrivain, professeur, en tout cela engagé
– notamment pour l’égalité
des sexes, la lutte contre le sida …
Toujours en vie et en activité.
La pensée.
D’une manière générale,
Farid Esack partage les vues des « penseurs »
abordés dans les annexes précédentes.
Il n’y est pas ici revenu.
Ce qui fait son originalité …
# Quelques conceptions religieuses de base :
- La piété est inséparable de la
pratique de la justice et de la lutte pour la justice.
- La lutte pour la justice est un devoir des musulmans, même
quand ce sont des non musulmans qui sont concernés
- L’engagement pour la justice peut avoir des
conséquences pénibles qu’il faut
assumer : la liberté religieuse se paie.
- L’oppression est une réalité de
péché qui crée souffrance et
misère : s’opposer à la tyrannie est un
devoir.
- A ce titre, la politique est inséparable de la religion
– la politique est le souci de la Cité.
Défendre le bien, poursuivre le mal est un devoir.
- La foi est appelée à imprégner
toutes les réalités de l’existence : le
temporel et le spirituel sont inséparables. La foi
n’est pas que dévotion.
- La lutte pour le bien ne doit pas faire acception des appartenances
religieuses.
# Pour
lui la question n’est pas de savoir ce que le Coran ou Allah
disent aux croyants, mais ce qu’ils veulent leur
dire. Or cette intention du Coran ou d’Allah ne peut
qu’être l’objet d’une recherche
permanente, menée en fonction du contexte sociologique de
chaque époque, de chaque personne :
l’interprétation permanente de la
révélation est normale et nécessaire.
# La
justesse d’une interprétation ne peut donc
être que relative : il n’existe aucun
interprète « innocent », aucune
interprétation « innocente », aucun
texte « innocent ». Réception et
interprétation sont toujours subjectives. Le danger est pour
une personne ou un groupe de penser détenir « la
vérité ».
# Pour
une interprétation correcte du Coran, Farid Esack propose
six repères :
- La Taqwâ : une attitude faite de la conscience de Dieu, du
caractère transitoire de l’existence terrestre, de
la futilité de nos ambitions humaines, de la valeur de
chaque être … Une attitude qui engendre la
piété,
l’intégrité, la force de
caractère et aboutit à une transformation
personnelle.
- Le Tawhid : dogme de l’unicité et de la
transcendance de Dieu, qui conduit à rejeter toute
idolâtrie (richesse, succès, recherche de soi
…), en même temps qu’il conduit
à considérer l’humanité
comme « une » et à éliminer
toute discrimination sociale, raciale, sexiste …
- Al nâss (les gens) : le « collectif »
des hommes doit être vu au travers de la conscience que
l’homme est le représentant de Dieu sur la terre.
Ceci implique notamment le respect total de la personne humaine, et
l’obligation pour les gouvernants de se
référer au Coran et d’en
interpréter les termes dans ce sens.
- Les opprimés de la terre : en entendant par là
ceux qui sont au pouvoir des arrogants et des puissants. Dieu est de
leur côté. L’interprétation
coranique doit être conforme à cette certitude.
- Equité et justice : équité veut dire
« donner à chacun son dû », la
justice étant attachée à la droiture
des actions. Le souci de la justice doit inspirer toute
interprétation du texte coranique.
- Le jihâd : c’est le combat dans le sentier de
Dieu, combat incessant, intérieur essentiellement, combat
militaire à l’occasion, pour la défense
de la communauté des croyants. La foi doit être
transformatrice de l’existence humaine.
# L’approche
de Farid Esack implique une foi vécue non pas de
manière individuelle, privée, mais une foi
s’inscrivant dans un vécu collectif, populaire,
communautaire.
________________