Retour au sommaire
(Echanges. Contribution J-F C. Janvier 2005)

« Les nouveaux penseurs de l’islam ».


Annexe 7

Fiche Farid Esack







La personne.

D’origine indopakistanaise. Né en Afrique du Sud en 1957, dernier d’une famille de 7 enfants que son père abandonne aussitôt après sa naissance. Pauvreté, misère, mais solidarité de voisins chrétiens (« Le fait que notre oppression soit rendue supportable par la solidarité, l’humanité et le rire de nos voisins chrétiens me rendit suspicieux à propos de toutes les idées religieuses qui prétendaient détenir le monopole du salut, et m’imprégna du sentiment profond de la valeur du « religieusement autre » ». Bourse d’études au Pakistan, où il passe 8 ans et obtient des diplômes d’études supérieures en droit et théologie islamiques et en études coraniques. Fréquente des chrétiens et découvre la « théologie de la libération ». Retour en Afrique du Sud, où il s’engage dans la lutte contre l’apartheid et fonde un mouvement musulman progressiste « L’appel de l’islam ».
Nouveaux séjours d’études à l’étranger (Angleterre, Allemagne), de 2 ou 3 ans, puis retour en Afrique du Sud. Philosophe, chercheur, écrivain, professeur, en tout cela engagé – notamment pour l’égalité des sexes, la lutte contre le sida …
Toujours en vie et en activité.


La pensée.

D’une manière générale, Farid Esack partage les vues des « penseurs » abordés dans les annexes précédentes. Il n’y est pas ici revenu.

Ce qui fait son originalité …

# Quelques conceptions religieuses de base :

- La piété est inséparable de la pratique de la justice et de la lutte pour la justice.
- La lutte pour la justice est un devoir des musulmans, même quand ce sont des non musulmans qui sont concernés
- L’engagement pour la justice peut avoir des conséquences pénibles qu’il faut assumer : la liberté religieuse se paie.
- L’oppression est une réalité de péché qui crée souffrance et misère : s’opposer à la tyrannie est un devoir.
- A ce titre, la politique est inséparable de la religion – la politique est le souci de la Cité. Défendre le bien, poursuivre le mal est un devoir.
- La foi est appelée à imprégner toutes les réalités de l’existence : le temporel et le spirituel sont inséparables. La foi n’est pas que dévotion.
- La lutte pour le bien ne doit pas faire acception des appartenances religieuses.

# Pour lui la question n’est pas de savoir ce que le Coran ou Allah disent aux croyants, mais ce qu’ils veulent leur  dire. Or cette intention du Coran ou d’Allah ne peut qu’être l’objet d’une recherche permanente, menée en fonction du contexte sociologique de chaque époque, de chaque personne : l’interprétation permanente de la révélation est normale et nécessaire.

# La justesse d’une interprétation ne peut donc être que relative : il n’existe aucun interprète « innocent », aucune interprétation « innocente », aucun texte « innocent ». Réception et interprétation sont toujours subjectives. Le danger est pour une personne ou un groupe de penser détenir « la vérité ».

# Pour une interprétation correcte du Coran, Farid Esack propose six repères :

- La Taqwâ : une attitude faite de la conscience de Dieu, du caractère transitoire de l’existence terrestre, de la futilité de nos ambitions humaines, de la valeur de chaque être … Une attitude qui engendre la piété, l’intégrité, la force de caractère et aboutit à une transformation personnelle.
- Le Tawhid : dogme de l’unicité et de la transcendance de Dieu, qui conduit à rejeter toute idolâtrie (richesse, succès, recherche de soi …), en même temps qu’il conduit à considérer l’humanité comme « une » et à éliminer toute discrimination sociale, raciale, sexiste …
- Al nâss (les gens) : le « collectif » des hommes doit être vu au travers de la conscience que l’homme est le représentant de Dieu sur la terre. Ceci implique notamment le respect total de la personne humaine, et l’obligation pour les gouvernants de se référer au Coran et d’en interpréter les termes dans ce sens.
- Les opprimés de la terre : en entendant par là ceux qui sont au pouvoir des arrogants et des puissants. Dieu est de leur côté. L’interprétation coranique doit être conforme à cette certitude.
- Equité et justice : équité veut dire « donner à chacun son dû », la justice étant attachée à la droiture des actions. Le souci de la justice doit inspirer toute interprétation du texte coranique.
- Le jihâd : c’est le combat dans le sentier de Dieu, combat incessant, intérieur essentiellement, combat militaire à l’occasion, pour la défense de la communauté des croyants. La foi doit être transformatrice de l’existence humaine.

# L’approche de Farid Esack implique une foi vécue non pas de manière individuelle, privée, mais une foi s’inscrivant dans un vécu collectif, populaire, communautaire.



________________

retour en haut de la page