Retour au sommaire
(Echanges. Contribution J-F C. Janvier 2005)

« Les nouveaux penseurs de l’islam ».


Annexe 6.

Fiche Abdelmajid Charfi.





La personne.

Il est dit de lui qu’il est né à Tunis en 1942, sans plus


La pensée.

Elle va dans le même sens que celle de nombreux universitaires tunisiens, comme Mohamed Talbi …

# Si la Parole est bien vivante, comme le dit le Hadith (« Lire le Coran comme s’il m’était révélé à moi–même »), si donc Dieu me parle, je dois l’écouter avec mon esprit d’aujourd’hui, dans ma situation actuelle.

# Le Coran indique de grandes directions. Lui seul oblige, lui seul est « contraignant » pour les croyants, lui seul est authentique. Il n’en va pas de même de l’exégèse que l’on a faite de ce que l’on dit être les faits et dires du Prophète (Sunna).

# Si Dieu parle, la dictée est divine.
Mais l’expression est humaine. Cette expression est donc accessible à toutes les approches possibles - philosophiques, linguistiques, historiques, sociologiques, anthropologiques …, avec l’aide de tous les outils à disposition.

Abdelmajid Charfi quant à lui …

# Se livrant à un examen critique des sources religieuses, il remet en cause les interprétations des premières générations de musulmans. Il prône une lecture « finaliste » du Coran et critique l’institutionnalisation de la religion faite par les anciens.

# Dans ses écrits il rappelle avec force que nulle part le Coran ne dit qu’il abroge les Ecritures qui l’ont précédé. Quant à l’accusation de falsification des Ecritures portée contre les juifs et les chrétiens, il affirme que, liée aux conflits qui ont jalonné les débuts de l’islam, elle est ultérieure à la Révélation.

# Abdelmajid Charfi a trois a priori …

- L’humanité existe avant la religion.
- La religion est une composante de la culture.
- La vérité religieuse est relative.

# Pour lui, Mahomet n’a pas été autant fidèle à la finalité du message qu’aux problématiques de son époque, à ses contraintes, à ses urgences.


# Il met en avant trois observations, qui deviennent pour lui des postulats :

- Le Prophète s’inscrit dans une époque, non pour la conforter dans ses positions et usages, mais pour lui insuffler une nouvelle vision du destin de l’humanité.
- Le message a une finalité qui va plus loin que les solutions proposées aux problèmes de l’époque.
- Les premières générations ont déduit du message des normes qui leur ont permis d’organiser leur vie ici-bas … et de préparer leur vie au-delà. Elles leur correspondaient. Mais elles ont progressivement remplacé le message par une interprétation officielle, institutionnelle, « orthodoxe » de celui-ci, incapable de faire face aux défis de la modernité.

# Pour comprendre le message, il convient de le situer dans son histoire :

- Le message du Prophète reprend et accentue les apports du monothéisme biblique.
- Le Coran donne des informations qui permettent de se faire une image vivante du Prophète, assez éloignée du personnage idéal que l’on en a fait.
- Au contraire de ce qu’a « verrouillé » la tradition, le texte coranique témoigne d’un rôle actif du Prophète dans le phénomène même de la Révélation, laquelle peut être considérée comme « dialogique ».
- L’élévation du texte coranique à une quasi « relique » correspond à une élaboration tardive, fondée sur une interprétation abusive de la Parole de Dieu.

# Trois observations à propos du Message :

- La culture à l’époque du Prophète était une culture orale.
L’accès au discours du Prophète est-il donc possible aujourd’hui ? L’était-il même aux premières générations ? Le terme « Coran » ne devrait-il pas s’adresser qu’à la parole du Prophète, pas à l’écrit d’aujourd’hui, dont la forme aurait pu être autre ?
- La culture à l’époque du Prophète était imprégnée de sacralité et de magie. Le discours du Prophète s’y est ajusté. Or les mentalités ont changé. Pour ne pas scléroser le texte, il est nécessaire de distinguer entre sa « littéralité » et sa « finalité ».
- Défendre la littéralité du texte revient à le sacraliser avec la mentalité des gens d’une époque, ce qui ne pouvait être l’objectif du Message.

# A propos de la chari’a, Charfi affirme que la Révélation ne parle pas de celle-ci dans le sens de « loi divine » mais de voie, c'est-à-dire d’une vision générale dont les limites sont fixées par les finalités du Message. En effet :

- Il est peu de lois ou prescriptions équivalentes dans le Coran (environ 4% des versets en traitent).
- Le Coran n’a pas détaillé les éléments du culte, désignés par « Les 5 piliers de l’islam ».
- Le Coran n’entre pas dans les détails de la vie quotidienne des gens.
- Les faits, gestes et paroles du Prophète étaient adaptés à la situation et aux compagnons de l’époque.

# La grande conviction de Charfi est que les générations successives de musulmans n’ont pas été fidèles à l’esprit du message et à ses finalités :

- A la disparition du Prophète, ce sont les préoccupations politiques qui ont prévalu, la prophétie ayant modifié la donne : un empire naissait.
- L’institutionnalisation de la religion a comporté bien des « aménagements » avec le Message. On le constate particulièrement dans des domaines comme celui de l’esclavage, celui du statut de la femme, celui du jihâd.
- On a théorisé la religion en faveur des institutions mises en place au lieu de la mettre véritablement au service de l’éducation des croyants, appelés à aimer et faire le bien.

# A propos du scellement de la prophétie : le dogme islamique – et il est le seul à le faire au sein des religions révélées – stipule que Mahomet est le sceau des prophètes, c'est-à-dire qu’il n’y aura plus de nouvel envoyé divin jusqu’à la fin du cycle présent de l’humanité. Il ne peut plus y avoir d’autre Révélation après le Coran.
Avec cette conception des choses, on court le risque, dans lequel on est tombé, de l’enfermement.
Pour Charfi, le scellement de la prophétie doit être vu comme mettant fin au besoin des hommes d’une Révélation comme source de savoir fondamental. « Mahomet a scellé la prophétie pour mettre fin aux répétitions et à la redondance du Message et pour ouvrir devant l’homme le champ de son avenir dans la liberté, la responsabilité et la solidarité. Il a de ce fait jeté les fondements d’une véritable éthique universelle. »

# « Moderniser » la conscience musulmane : pour ce penseur il s’agit d’une part de bien comprendre le message muhammadien, d’autre part de se libérer de l’institution religieuse dans tous ses aspects – l’homme est libre et responsable, il doit assumer la responsabilité de choisir en toute conscience le chemin de sa vie (avec le risque que cela comporte).
________________


retour en haut de la page