«
Les nouveaux penseurs de l’islam ».
Annexe
4.
Fiche Amin al-Khûli et Muhammad Khalafallâh.
Ce que l’on entend par le « Coran »,
c’est un texte écrit.
Peut-on de ce fait le considérer en tant
qu’œuvre littéraire et le soumettre
à une analyse critique, alors que la foi musulmane voit en
lui une œuvre divine, miraculeuse, descendue telle du Ciel ?
N’y a-t-il pas une distinction à faire entre le
contenu du Livre (le message), et son contenant (le langage)?
Question très ancienne dans l’islam, sur laquelle
la pensée moderne s’attarde
particulièrement pour comprendre le message de base
aujourd’hui.
Le père du réformisme moderne, Muhammad Abduh, en
faisant observer que le Coran n’est pas un livre
d’histoire mais de guidance, dans lequel les
récits rapportés le sont pour leur signification,
et en utilisant la raison pour rechercher cette signification, a ouvert
une voie de réflexion dans laquelle se sont
distingués particulièrement Amin
al-Khûli et Muhammad Khalafallâh.
1. Le cheikh Amin al-Khûli
La personne.
On peut le considérer comme le premier chercheur musulman
à avoir employé la méthode
littéraire pour analyser le Coran.
Egyptien, né en 1895. Enseignement religieux solide
(adolescent connaît le Coran par cœur). Etudes
supérieures dans les domaines littéraires et
religieux. Passionné de littérature arabe. Vie
d’enseignement, de chercheur, de philosophe et
d’auteur, presque toujours dans le domaine religieux,
d’abord à l’étranger (Rome,
Berlin), puis définitivement en Egypte.
La pensée.
Selon lui …
* Le Coran est, entre autres, une œuvre
littéraire (choix des mots, organisation du texte
…), qui doit être approchée comme
telle. On découvre ainsi que la rhétorique qui
s’y développe est absolument inimitable
(« preuve » sémantique de
l’origine divine du Livre).
* Pour étudier le Coran il faut d’une
part prêter attention au contexte, d’autre part
analyser le texte, en commençant par les mots
eux-mêmes.
* L’étude du contexte doit prendre en
compte ce qu’il appelle «
l’arabité » du texte, c’est
à dire son esprit, son langage, son style, les
lieux de sa délivrance, son milieu culturel,
l’histoire du pays … .
* L’étude du texte doit prendre en compte
les mots (quel sens avaient-ils à
l’époque ? Comment ont-ils
évolué ?), les phrases, les expressions, les
images (mode rhétorique), la psychologie dans la composition
(comment le Coran a-t-il pu s’imposer si rapidement et si
universellement ?) et même la sociologie.
* Pour la compréhension du Livre il convient de
l’étudier par thèmes plutôt
que par versets, et ce faisant de se rattacher à
l’ordre chronologique, qui ne tient pas du hasard.
2. Muhammad
Khalafallâh.
La personne.
Né en Egypte, vers 1910. Père
égyptien, mère soudanaise. Ecole coranique
(connaît le Coran par cœur). Licencié
ès lettres en 1939. Elève d’Amin
al-Khûli. Thèse de maîtrise «
Les polémiques du Coran ». Sa
thèse de doctorat « L’art du
récit dans le Coran » déclenche une
polémique telle qu’elle n’est pas
reçue et que son maître est interdit
d’enseignement, ce en raison de l’idée
qu’il avance : les récits contenus dans le Coran
ne sont pas des récits d’ordre historique, mais
relèvent principalement du mode littéraire. Selon
lui, s’appuyant sur des faits historiques, le Coran ne
s’attache pas à faire de ces récits une
leçon d’histoire, mais à en tirer la
signification.
Devenu malgré tout Docteur, en soutenant une autre
thèse, il en enseigne la grammaire, la rhétorique
et la littérature arabe. Son œuvre majeure :
« L’art du récit dans le Coran
».
Décédé en 1998.
La pensée.
Selon lui …
* C’est à partir d’un
arrangement chronologique des textes qu’il convient le mieux
d’étudier le Coran, en l’abordant
à la fois littéralement et
littérairement.
* Il prend en compte
- le milieu de l’époque (il souligne par exemple
que les premiers auditeurs du Coran connaissaient
déjà un certain nombre des récits
rapportés),
- la psychologie du Prophètedont le discours
s’adapte à l’attitude de ses auditeurs
(il lui arrive par exemple de passer par de grandes périodes
de découragement).
* Les récits coraniques peuvent être
classés en trois catégories :
- les récits historiques,
- les récits de genre parabolique,
- ceux à base de légende.
* Les récits historiques. Les
événements et les personnes y sont
réels, mais les détails y sont approximatifs (ex.
: dans l’histoire de Lot, racontée deux fois, la
succession des événements n’est pas la
même).
* Les récits paraboliques. Les personnages ou les
événements peuvent ou non y avoir
été. L’imaginaire y est
prépondérant.( L’imaginaire peut
exprimer une idée – force).
* Les récits de type légendaire. La
légende est une histoire rapportée par les
anciens, dont les fondements ne sont pas vérifiables. Selon
Muhammad Khalafallâh, le Coran en rapporte pour faire le lien
avec la culture des premiers récipiendaires de la
Révélation – la légende est
ainsi un genre littéraire au service de la
Révélation.
* Muhammad Khalafallâh insiste sur ceci que les
mots, les expressions, les images du Coran ne sont pas en
eux-mêmes des « absolus », mais
qu’ils ont été choisis comme moyens de
transmission du message.
* Prétendre que les récits du Coran
rendent compte de faits véritablement historiques est une
« méprise méthodologique fatale
», masquant les intentions éthiques, spirituelles
et religieuses du Livre saint.
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