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(Echanges. Contribution J-F C. Janvier 2005)

« Les nouveaux penseurs de l’islam ».


Annexe 4.

Fiche Amin al-Khûli et Muhammad Khalafallâh.





Ce que l’on entend par le « Coran », c’est un texte écrit.

Peut-on de ce fait le considérer en tant qu’œuvre littéraire et le soumettre à une analyse critique, alors que la foi musulmane voit en lui une œuvre divine, miraculeuse, descendue telle du Ciel ?
N’y a-t-il pas une distinction à faire entre le contenu du Livre (le message), et son contenant (le langage)?

Question très ancienne dans l’islam, sur laquelle la pensée moderne s’attarde particulièrement pour comprendre le message de base aujourd’hui.

Le père du réformisme moderne, Muhammad Abduh, en faisant observer que le Coran n’est pas un livre d’histoire mais de guidance, dans lequel les récits rapportés le sont pour leur signification, et en utilisant la raison pour rechercher cette signification, a ouvert une voie de réflexion dans laquelle se sont distingués particulièrement Amin al-Khûli et Muhammad Khalafallâh.


1. Le cheikh Amin al-Khûli


La personne.

On peut le considérer comme le premier chercheur musulman à avoir employé la méthode littéraire pour analyser le Coran.

Egyptien, né en 1895. Enseignement religieux solide (adolescent connaît le Coran par cœur). Etudes supérieures dans les domaines littéraires et religieux. Passionné de littérature arabe. Vie d’enseignement, de chercheur, de philosophe et d’auteur, presque toujours dans le domaine religieux, d’abord à l’étranger (Rome, Berlin), puis définitivement en Egypte.

La pensée.

Selon lui …

* Le Coran est, entre autres, une œuvre littéraire (choix des mots, organisation du texte …), qui doit être approchée comme telle. On découvre ainsi que la rhétorique qui s’y développe est absolument inimitable (« preuve » sémantique de l’origine divine du Livre).

* Pour étudier le Coran il faut d’une part prêter attention au contexte, d’autre part analyser le texte, en commençant par les mots eux-mêmes.

* L’étude du contexte doit prendre en compte ce qu’il appelle « l’arabité » du texte, c’est à dire  son esprit, son langage, son style, les lieux de sa délivrance, son milieu culturel, l’histoire du pays … .

* L’étude du texte doit prendre en compte les mots (quel sens avaient-ils à l’époque ? Comment ont-ils évolué ?), les phrases, les expressions, les images (mode rhétorique), la psychologie dans la composition (comment le Coran a-t-il pu s’imposer si rapidement et si universellement ?) et même la sociologie.

* Pour la compréhension du Livre il convient de l’étudier par thèmes plutôt que par versets, et ce faisant de se rattacher à l’ordre chronologique, qui ne tient pas du hasard.


2. Muhammad Khalafallâh.


La personne.

Né en Egypte, vers 1910. Père égyptien, mère soudanaise. Ecole coranique (connaît le Coran par cœur). Licencié ès lettres en 1939. Elève d’Amin al-Khûli. Thèse de maîtrise « Les polémiques du Coran ».  Sa thèse de  doctorat « L’art du récit dans le Coran » déclenche une polémique telle qu’elle n’est pas reçue et que son maître est interdit d’enseignement, ce en raison de l’idée qu’il avance : les récits contenus dans le Coran ne sont pas des récits d’ordre historique, mais relèvent principalement du mode littéraire. Selon lui, s’appuyant sur des faits historiques, le Coran ne s’attache pas à faire de ces récits une leçon d’histoire, mais à en tirer la signification.

Devenu malgré tout Docteur, en soutenant une autre thèse, il en enseigne la grammaire, la rhétorique et la littérature arabe. Son œuvre majeure : « L’art du récit dans le Coran ».

Décédé en 1998.

La pensée.

Selon lui …

* C’est à partir d’un arrangement chronologique des textes qu’il convient le mieux d’étudier le Coran, en l’abordant à la fois littéralement et littérairement.

* Il prend en compte
- le milieu de l’époque (il souligne par exemple que les premiers auditeurs du Coran connaissaient déjà un certain nombre des récits rapportés),
- la psychologie du Prophètedont le discours s’adapte à l’attitude de ses auditeurs (il lui arrive par exemple de passer par de grandes périodes de découragement).

* Les récits coraniques peuvent être classés en trois catégories :
- les récits historiques,
- les récits de genre parabolique,
- ceux à base de légende.

* Les récits historiques. Les événements et les personnes y sont réels, mais les détails y sont approximatifs (ex. : dans l’histoire de Lot, racontée deux fois, la succession des événements n’est pas la même).

* Les récits paraboliques. Les personnages ou les événements peuvent ou non y avoir été. L’imaginaire y est prépondérant.( L’imaginaire peut exprimer une idée – force).

* Les récits de type légendaire. La légende est une histoire rapportée par les anciens, dont les fondements ne sont pas vérifiables. Selon Muhammad Khalafallâh, le Coran en rapporte pour faire le lien avec la culture des premiers récipiendaires de la Révélation – la légende est ainsi un genre littéraire au service de la Révélation.

* Muhammad Khalafallâh insiste sur ceci que les mots, les expressions, les images du Coran ne sont pas en eux-mêmes des « absolus », mais qu’ils ont été choisis comme moyens de transmission du message.

* Prétendre que les récits du Coran rendent compte de faits véritablement historiques est une « méprise méthodologique fatale », masquant les intentions éthiques, spirituelles et religieuses du Livre saint.



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