Communication d'Antigone  été 2009



L'AUTISME


L’Autisme   

Du grec « autos » soi-même

Je vais essayer dans le cadre de nos 3 jours de réflexion sur la communication, de dire justement les difficultés de communication non pas de l’autiste mais des autistes, chacun étant singulier.
Un bref rappel historique : le terme autisme a été utilisé pour la 1ère fois en 1911 par le psychiatre suisse Bleuler pour signifier chez des patients adultes

    -ne évasion de la réalité
    - un retrait sur le monde intérieur.

En 1943 KANNER a décrit cette affection spécifique de l’enfance : l’autisme infantile.
Je n’entrerai pas dans les conflits et polémiques qui se jouent encore à propos d’une part des étiologies, le plus souvent complexes. (Il n’y a pas une étiologie de l’autisme infantile)
Et d’autre part des modalités de prise en charge.

Délaissant une attitude conflictuelle inefficace sinon nuisible je dirai comment envisager, comprendre et prendre en charge le plus tôt possible les enfants porteurs de cette pathologie.
Frances TUSTIN célèbre psychothérapeute anglaise, spécialiste de ces problèmes écrit : « un travail psychothérapique intense montre que ni les parents ni l’enfant ne peuvent être considérés comme responsables du développement de l’autisme. Ils sont pris dans une toile de réactions inévitables pour lesquelles ils ont besoin de notre compréhension et non de notre condamnation.

Les signes cliniques très précoces montrant des difficultés de communication chez un bébé de quelques semaines sont maintenant très bien connus, qu’il s’agisse d’un secteur du développement ou d’une pathologie d’emblée plus massive associant plusieurs paramètres.

Un médecin traitant, un généraliste, une pédiatre doivent être attentifs chez un bébé à l’existence irrégulière ou pas,
        -de la qualité du regard surtout d’un évitement du regard,
        -de la qualité de la poursuite oculaire,
        -de la reconnaissance de la voix maternelle
        -de l’existence du sourire, assez rapidement adressé en réponse à la voix de l’adulte, à son visage, et la encore de l’évitement manifeste du sourire,
        -de la qualité du tonus musculaire : bébé très rigide, très agité ou plus souvent encore bébé très mou avec des rejets fréquents du buste en arrière, bébé évitant les câlins.
         -de l’irrégularité dans le sommeil avec quelques fois de longues périodes d’insomnies nocturnes silencieuses (donc difficiles à repérer)

Certes il est normal et indispensable de s’assurer
de la qualité de la vision, de l’audition de ces bébés de demander un EEG voir une IRM cérébrale et de ne pas s’en tenir là quelque soit les résultats de ces examens.
L’urgence n’est donc pas tellement ni de s’en tenir aux examens pré-cités ni de se lancer dans des considérations psychologiques comme «  la mère, le père sont peu chaleureux, distants, rigides » mais de repérer cette clinique feutrée, cette souffrance du couple parents bébés.

Actuellement nous savons les interactions très étroites entre le neurologique, les circuits si complexes du cerveau et les possibilités bloquées mais néanmoins susceptibles d’une évolution dans la communication entre le bébé et son environnement, qu’il importe de ne pas culpabiliser.

L’expérience nous a convaincu que le bébé de par son propre état : son aspect, son poids, sa vigueur, son éveil dés les premiers instants.
Que ce bébé va agir sur son environnement et tout particulièrement sur sa mère : la combler ou au contraire l’inquiéter, l’éloigner, la vider de son élan, la dévaloriser, s’il est lui, un bébé  ingrat, différent de celui que l’on attendait, étrange, étranger, distant, évitant les câlins.
 Michel SOULET les disait «  bébés venus du froid »
Nous redisons combien il est important que le médecin traitant, le pédiatre puissent se détourner quelques instants de leur ordinateur, qu’ils ne réduisent pas leur examen au poids et à la taille,
      -qu’ils aient le temps de regarder , d’écouter, qu’ils ne s’en tiennent pas à l’anormalité d’un EEG d’ audiogramme, d’un scanner cérébral,
      -qu’ils sachent sans affoler ni culpabiliser diriger le bébé et ses parents vers une prise en charge adaptée.

Qu’elle soit précoce ou plus tardive souvent à 3 ans ou au delà  la prise en charge doit être adaptée à chaque enfant et à ses parents avec un long temps où on les apprivoise.

Si la prise en charge est tardive deux paramètres sont fondamentaux pour espérer une amélioration :
    -le niveau intellectuel
    -l’existence d’un langage même si il est pauvre et très particulier. Les premiers mots de ces enfants bizarres peuvent ne pas être maman mais «  cassé, mort, trou … » par exemple 

Les activités de jeu sont souvent inexistantes, ils peuvent être envahis par des stéréotypies gestuelles par exemple ouvrir et fermer une porte, une lumière.

Alors qu’ils paraissent indifférents à tout, semblant ne rien voir de ce qui les entoure, ils refusent le moindre changement dans l’ordre des plus minuscules objets de leur environnement et le manifeste très fort.

Donc devant un couple mère bébé, mère-père-bébé, comment établir, rétablir une communication « qu’est ce que je peux faire pour eux maintenant » ?
Nous allons chercher à travailler ensemble, à apprendre à nous connaître, à leur parler des peurs de leur bébé :
- la peur d’être touché
- la peur de regarder et d’être regardé : ils évitent le regard ou fixent « sans  voir », donnant l’impression d’être transparent et nous donnant à nous l’impression de l’être également


Ces enfants ont de très grandes difficultés à se rassembler comme peuvent en témoigner ceux qui accèdent au dessin ; leurs productions : des morceaux, lorsqu’ils parlent ils expriment leur peur que des parties de leur corps tombent, que leurs cheveux soient enlevés, qu’on attaque leurs yeux.

Dans la plupart des cas pendant le temps nécessaire à ce que les peurs diminuent, le thérapeute se tient à distance sans forcer le regard ni la voix mais donnant à ce bébé, à cet enfant une attention sans faille.

C’est cette puissance d’une attention assemblante que le thérapeute transmettra aussi bien au bébé qu’à la mère vis-à-vis de son bébé.

La mère et de par là même son bébé savent que nous les attendons à jour fixe à heure fixe, que nous sommes là, que nous ne sommes pas un robot, une machine que l’on peut ouvrir, fermer—ce qui est justement le rêve des autistes, le rêve de se réfugier dans l’inhumain et d’être le maître de la manipulation.

Nous sommes là attentifs prêts à évoluer à leur rythme, sans forçage ni intrusion, sans mécanisation ni réduction.

Nous n’avons pas l’ambition de les rendre « normaux » semblable aux autres, mission impossible ! mais nous les aidons à abandonner petit à petit leur monde de terreur, à sortir de leur forteresse, forteresse non pas vide comme cela a pu être écrit, mais forteresse pleine de terreurs.

Dans certaines thérapies de ces enfants avec leur mère nous pouvons avoir l’impression pendant des mois d’accueillir 2 bébés. Je pense tout particulièrement à une petite Clara connue à 9 mois et à sa maman toutes les 2 flottantes, sans poids, habillées de la même façon, toutes les 2 sur le tapis de sol du bureau, comme étrangère l’une à l’autre.

Ils donnent souvent l’impression de ne pas habiter leur corps, progressivement au décours de la prise en charge on les sent « atterrir », atterrir sans catastrophe, sans précipitation. Surtout il importe qu’en sortant de leur monde, ils atterrissent sans perdre leur substance, sans s’aligner sur les autres, sans « se rendre ».

A notre avis ce travail en commun, cette reconnaissance par l’enfant d’un autre non terrorisant doit précéder toute autre action en particulier éducative, pédagogique.
Ce travail nécessite certainement une capacité illimitée d’espoir et de patience mais chaque enfant pris en charge nous apprend, nous fait avancer.
Bien entendu après ce long travail préliminaire, ils doivent apprendre à coopérer avec les autres, à se socialiser, à se créer une place dans le monde de l’autre…

Même très améliorés, même s’ils peuvent être très performants dans un domaine privilégié, ils restent « étranges », « décalés », facilement en retrait, chercheurs, écrivains, surdoués dans l’informatique !!
Parallèlement à cette réussite dans un secteur leur vie affective reste souvent précaire, chaotique, en retrit, avec cependant un besoin vital d’avoir des amis, amis dont ils attendent protection.
Ils suprennent quelque soit leur très bon niveau intellectuel par leur grande difficulté à la formation des symboles ; ils restent accrochés au sens littéral des mots : un mot ne peut avoir qu’un sens concret de préférence.

Ils parlent volontiers d’anges en évoquant leurs amis : anges gardiens…
En fait des amis des amis comme vous l’êtes capables d’une amitié sans faille dont nous avons tellement besoin…